A l’heure actuelle, les politiques publiques en faveur des personnes en situation de handicap n’ont pas intégré la dimension liée au genre dans leurs actions. Si ce processus d’asexuation des personnes en situation de handicap tend à occulter les identités genrées – le neutre étant plutôt masculin, il contribue aussi à la réactivation des stéréotypes de genre. Pour exemple, la CJUE a reconnu que le licenciement d’une assistance maternelle obèse constituait une discrimination fondée sur le handicap et l’on sait que stéréotypes négatifs et discriminations frappent davantage les femmes en surpoids et obèses. De manière plus générale et comme le souligne Maudy Piot de FDFA, « les stéréotypes dont sont victimes les femmes en général, fatigabilité, fragilité, seraient d’autant plus présents lorsqu’il s’agit de femmes handicapées ». A cet égard, Justine Solano souligne que le handicap est ici considéré comme « la vulnérabilité “de départ”, qui expose à des situations d’exploitation ». Le fait d’être une femme, en plus d’être handicapée, rend quasi-inévitable l’exploitation professionnelle. Cette situation est là aussi expliquée par les représentations sociales liées au genre : « les gens se disent qu’un homme handicapé surmontera plus facilement son handicap ». Au-delà du domaine de l’emploi, il apparaît que les stéréotypes liés au sexe sont renforcés par les situations de handicap. Ainsi, Dominique Poggi, sociologue, souligne que l’on assiste à un renforcement des stéréotypes de genre : « les hommes [handicapés] sont plus aux prises avec la justice tandis que les femmes sont plus en demande de droits sociaux […], les arguments mis en avant pour faire valoir une demande de soutien lié à un trouble psychique ne sont pas les mêmes non plus : les hommes doivent faire valoir leur non dangerosité, leur employabilité et l’existence d’un entourage ; les femmes doivent montrer qu’elles sont dans des relations non conflictuelles et en famille. La stigmatisation est la même mais elle prend des formes différentes, elle épouse les stéréotypes de genre ». Dès lors, les stéréotypes de genre mais aussi les stéréotypes propres aux femmes handicapées affectent ces salariées dans leur quotidien et leur relation au monde du travail : la déconstruction de ces stéréotypes s’impose. A cet égard, le Parlement européen rappelle dans sa résolution du 11 décembre 2013 relative aux femmes handicapées « l’inclusion suppose de contrer les stéréotypes en véhiculant des images positives par l’usage d’expressions culturelles et de campagnes de sensibilisation qui apportent une présentation objective d’images de femmes handicapées et l’exposition de la variété de rôles qu’elles peuvent assumer au quotidien dans la société, ainsi qu’en ciblant certaines représentations des handicaps dans la sphère publique, étant donné que c’est précisément ce domaine qui est à la traîne». Pourtant, peu de femmes handicapées représentent des modèles de réussite reconnus. Les femmes handicapées semblent totalement absentes de nombreuses sphères de la société (où les hommes handicapés sont eux-mêmes rares) sans que cela constitue un enjeu : médias, politique, monde des affaires, arts etc. L’absence de modèle positif vient ainsi alimenter les phénomènes d’autocensure. La mise en place de dispositifs de lutte contre les stéréotypes a tout intérêt à s’appuyer sur la « visibilisation » des femmes handicapées et notamment des modèles positifs pour lever l’autocensure chez les femmes.
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