Monthly Archives: mai 2018

Apremont dans le ciel

La semaine dernière, à l’occasion d’un vol en montgolfière dans le Cher, j’ai découvert le plus incroyable des villages : Apremont-sur-Allier. Un village qui surprend non seulement par sa beauté, mais aussi (et peut-être, encore davantage) par son origine. Car que ce soit en le découvrant depuis les hauteurs, ou en l’arpentant à pied, il est difficile de croire que ce petit bourg, si typique du style médiéval berrichon, doit en fait une grande partie de son apparence à un passionné de vieilles pierres… du début du XXe. Et pourtant, c’est vraiment le cas ! Cette étrangeté valait bien que je vous le présente. Depuis longtemps maintenant, l’Allier n‘achemine plus les pierres extraites des carrières d’Apremont vers Nantes. Les amateurs de sports nautiques et les pêcheurs ont remplacé les lourds convois de chalands qui faisaient autrefois vivre la rivière. Les quais de la rue Basse où se croisaient les charrettes chargées de pierres appartiennent désormais aux promeneurs. Et les maisons des carriers et des mariniers se sont aujourd’hui métamorphosées en jolies résidences secondaires. Au Moyen Âge, pourtant, ce petit village, dominé par un château fort encerclé de quatorze tours, constituait la possession la plus occidentale du duché de Bourgogne. Les guerres n’épargnèrent cependant pas la petite place forte. Au XVe siècle, la forteresse qui tombait en ruine fut en partie reconstruite. Durant les deux siècles qui suivirent, elle fut plusieurs fois restaurée et remaniée. Jusqu’au jour où, par son mariage avec Marie-Antoinette de Rafelis-Saint-Sauveur (dont la famille possédait le château d’Apremont depuis 1722), elle tomba entre les mains d’Eugène Schneider.
Ce dernier, maître des forges du Creusot, était un amoureux des vieilles pierres. Il eut un véritable coup de foudre pour le château et le village. À partir de 1894, il entama donc la restauration du château abandonné depuis des années. Une à une, il racheta également les maisons du bourg et entama leur restauration: rénovation des maisons en ruine avec la pierre blanche, le bois et la tuile brune pour coller à l’architecture du pays, construction de maisons basses avec leur escalier extérieur si typique du Berry, élimination de tout élément qui pourrait nuire à l’harmonie de l‘ensemble… C’est ainsi que surgit un village qui semble éternel, à la hauteur des rêves de son pygmalion. Aujourd’hui, en admirant les pittoresques toits pointus des maisons, leur couleur ocre rose et les linteaux de leurs portes parfois datées du XVe siècle, il est difficile de croire qu’elles remontent pour certaines à moins d‘un siècle. En arpentant ses ruelles, on admire tout autant la beauté du lieu que le travail de titan de son restaurateur. Ce village est l’incarnation même de la passion et de l’acharnement. Si vous en avez l’occasion, je vous recommande de le découvrir en premier lieu depuis la voie des airs. Les montgolfières volent au lever et au coucher du soleil. Mais dans les deux cas, la lumière rasante et mordorée qui éclaire les façades blanches contribue à rendre l’expérience absolument magique. A lire sur le site internet de cette expérience de baptême en montgolfière.

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Le patrimoine culturel : une dimension identitaire

Le discours identitaire occupe une place déterminante dans la construction des patrimoines. Rendre un patrimoine spécifique, c’est valoriser et distinguer sa dimension identitaire. Le patrimoine culturel est balisé par cette dimension qui l’identifie en tant que tel. Avec les différentes interférences du système culturel, l’identité du patrimoine constitue l’objet qui exprime sa composante historique en relation étroite avec son territoire. En ce sens, le patrimoine est vu comme les strates léguées par l’évolution de l’identité au cours du temps et identifié comme une œuvre culturelle (Cahen, 2002). Dans les sciences sociales, la relation entre patrimoine et territoire est marquée par la notion de l’identité. L’introduction de la notion d’identité territoriale peut nous renseigner sur la force de ce lien. En effet, « l’identité territoriale, qui est à l’origine un sentiment individuel limité à un espace restreint, au coin de terre, au quartier de l’enfance, au lieu des vacances, idéalisés dans un souvenir confus mais permanent, est instrumentalisée politiquement par un changement d’échelle, pour aboutir à la construction d’identités régionales ou nationales » (Guermond, 2006, p.291). En fait, la notion d’identité territoriale est bien liée au sujet de la construction des territoires. Elle se retrouve en rapport avec les singularités culturelles qui s’approprient un espace déterminé. Selon Denis-Constant Martin, « Le récit identitaire reconstruit quatre piliers de l’expérience humaine : le temps, l’espace, la culture et les systèmes de croyance ». (Martin, 1994, p.22). D’après cette citation, il s’agit d’un référentiel de normes qui composent le registre identitaire d’une société, délimitée dans le temps et l’espace. Cela suppose que les identités gérées dans ce cadre de référence peuvent changer et évoluer dans le temps et que ce changement perdure grâce à de nouvelles représentations circonscrites à un territoire donné.