Greenpeace est un instrument de la dépossession

L’association Greenpeace est intéressante à la fois par ses tendances organisationnelles internes, mais aussi par la dynamique de structuration du mouvement écologiste à laquelle elle a participé et participe toujours. Au départ véritable mouvement, l’écologisme s’est peu à peu structuré via des Organisations Non Gouvernementales bureaucratisées, véritables appareils associatifs, et des partis politiques ancrés dans le jeu électoral dont la temporalité est différente de celui des luttes sociales. Dès le début, le mouvement écologiste naissant sera divisé. Alain-Claude Galtié témoigne dans le hors-série n°15 du mensuel Courant alternatif de l’Organisation Communiste Libertaire (« L’environnement c’est Kapital », février-mars-avril 2010, page 15), de ces conflits, notamment aux Amis de la Terre et dès 1970. Les Amis de la Terre était une association qui en fait rassemblait à la fois des militants de terrain proches des mouvements autogestionnaires et des « notables » soucieux de l’environnement, dont Brice Lalonde de la richissime famille Forbes était l’un des représentants. Il existait dès l’origine une tension entre ces deux catégories, l’une souhaitant associer l’écologie aux questions sociales et politiques, l’autre voulant faire de la dénonciation environnementaliste et se méfiant de la remise en cause du système capitaliste libéral que pouvait porter la critique écologiste. Pour autant, on peut citer ce texte des Amis de la Terre de Caen paru dans le n°229 de l’APRE/hebdo du 28 janvier 1977, cité par Galtié, qui montre l’opposition fondamentale des écologistes au capitalisme mais aussi à l’électoralisme (page 18) : « Nous luttons contre le système économique qui consiste à capitaliser la plus-value née du travail des salariés, mais son frère jumeau, le système politique qui consiste à capitaliser les bulletins de vote et les délégations de pouvoir, n’est pas clairement démasqué […]. La loi de la majorité avec ses apparences trompeuses de légitimité conduit à des erreurs de plus en plus graves, de plus en plus évidentes. Pour se vendre et pour se faire élire, il faut caresser les clients et les électeurs dans le sens du poil. » D’ailleurs, même les premières participations d’écologistes à des élections, en 1974 aux présidentielles ou en 1978 aux régionales, se font sans appareil politique par conviction idéologique et par préférence de la forme du mouvement à celle de la structure. Mais cette dimension politique et contestataire du mouvement écologiste va rapidement être mise à mal. Les Amis de la Terre vont d’ailleurs procéder à l’éviction des plus activistes et des plus anciens militants, alors que de plus en plus d’ « entristes », comme les appellent Galtié (page 17), ou encore « fossoyeurs du mouvement » (page 17), deviennent adhérents. L’association en elle-même se structure et se formalise en même temps qu’elle disparaît de plus en plus des luttes sociales populaires pour entrer dans du lobbying. Greenpeace va suivre à peu près le même mouvement.

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